La Fabrique de l'Isle
Arts et culture
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Journée d'été dans Charlevoix: à Saint-Joseph-de-la-Rive, les touristes attendent patiemment sur le quai l'arrivée du prochain traversier. Les Québécois parlent de la pluie (surtout) et du beau temps (un peu), les Français feuillettent leur Routard, les Anglais s'extasient devant le paysage (gorgeous, isn't it?). On reconnaît même, au milieu de la file d'automobiles, une petite famille japonaise discutant vivement autour d'un appareil photo. Sur le quai, donc, concentré d'exotisme et voix venues d'ailleurs. En face: l'Isle-aux-Coudres, dont on imagine déjà, pour bien les connaître - ou avoir bien lu son Routard - les bras accueillants et l'incomparable authenticité.
Authentique, l'Isle? Pour sûr. Effervescente, aussi. La preuve: on y célèbre aujourd'hui l'ouverture d'un tout nouveau commerce, mi-café, mi-galerie d'art, mi-boutique d'artisanat (à l'Isle, les moitiés viennent par trois). Dans l'ancien presbytère de Saint-Bernard, remis à neuf à grands renforts de couleurs pastel et de mobilier savamment démodé (le type café artistico-sympathique, quoi), on peut désormais déguster de succulentes pâtisseries, de savoureuses crêpes bretonnes, ou même oser les quesadillas. Dans la pièce qui fait face au comptoir, une invitante petite boutique remplie de produits fabriqués sur l'Isle et un petit coin librairie, minuscule mais proposant une très intéressante sélection de romans québécois. Dans les couloirs et sur la vaste véranda, des tables et des chaises d'un autre âge, soigneusement agencées, d'un bleu pâle de chambre de petit garçon. L'ensemble est charmant et accueillant, avec un je-ne-sais-quoi qui lui donne comme un supplément d'âme. Sans doute est-il dû aux deux propriétaires et à leur dynamique équipe: souriantes, pas peu fières de leur nouveau bébé, les artistes Pascale Perron et Carol-Ann Pedneault (Caro, pour les intimes et ceux qui ne le sont pas encore) rayonnent. Il n'y en avait pas encore, de joli petit café-bistro, sur l'Isle. En cette journée de grande ouverture, tous les Marsouins se réjouissent de cette naissance.
Une communauté tissée serrée
Participation citoyenne et esprit communautaire, vous dites? Il faudra se lever matin pour surpasser l'Isle-aux-Coudres à ce chapitre: à l'ouverture officielle de la Fabrique de l'Isle, on a l'impression d'assister à une grande et belle réunion de famille. Sympathique, sinon adorable, la famille: on sent que tout le monde est là pour les bonnes raisons, plaisir en tête et joie au coeur, et non pour faire plaisir à belle-maman et à cousine-Berthe-qui-a-un-peu-insisté-tout-de-même. Passons. Dans la charmante cours arrière de l'ancien presbytère de Saint-Bernard, délicatement ombragée par quelques pommiers, il y a foule. On est mardi, pourtant, en plein coeur d'une première semaine de la construction particulièrement achalandée et ensoleillée. Bref: l'Isle subit la joyeuse et annuelle invasion des touristes et son inévitable corolaire, la « broue dans le toupet » (pour utiliser un langage bien de chez nous). Malgré tout, pas question de laisser Caro et Pascale la fêter seule, leur Fabrique! Oh que non!
Geneviève Jodoin et Fred Boudreault sont sur place, malgré une Fascine bondée, histoire de commencer en chansons cette belle soirée et de revivre, en spectateurs et amis cette fois, la nervosité de ceux qui lancent une nouvelle affaire et retapent au passage un morceau de patrimoine. L'ami Fred, fier orateur, ne peut résister à l'attrait du micro et se fend d'un petit discours bien senti à la gloire des deux nouvelles propriétaires en particulier, et à celle des gens de l'Isle en général. Caroline Desbiens, le sourire large comme un croissant de lune, s'avance ensuite: même si les cuisines de son Hôtel du Capitaine tournent à plein régime en ce début de soirée, elle fait don d'une chanson à l'équipe du nouveau café et prend le temps de bien saluer son monde - à l'Isle, on sait vivre, et bien vivre! Ensuite, c'est Popo, légende locale et exubérant compagnon de la calme Pascale, qui prend la scène d'assaut pour annoncer l'édition 2017 du Festival du Folklore de l'Isle-aux-Coudres. L'homme, qui a le bonheur heureux et le bagout facile, en profite pour présenter au public une oeuvre de Jimmy Perron, récompense suprême d'un tirage destiné à financer l'événement. Sitôt la toile dévoilée à l'assistance admirative, voilà que surgit Gabrielle Shonk, la voix douce, le sourire tranquille, le regard brillant: Simon Pedneault, le frère de Caro, guitariste de son état, avait promis à sa soeur une invitée de marque: la voici! Le tour de chant du duo, magnifique, est chaudement applaudi et suivi par le retour sur scène de Fred Boudreault et l'arrivée d'Éloi, fils de Popo et Pascale. Concentré, le jeune garçon offre une chanson popularisée par Fred Pellerin à sa mère, devant des spectateurs émus. La coupe est pleine, l'allégresse à son comble, la générosité de l'Isle épuisée, pourrait-on penser: que nenni! Voilà que Patricia Deslauriers, du Havre musical de l'Islet, fait son apparition, et que le trio qu'elle forme avec Andréanne Warren et Annie Morin prend le relais. Devant tant d'énergie et de solidarité, on reste pantois. Et lorsqu'on avise, disséminés çà et là parmi les membres de l'équipe de la Fabrique ou ceux de l'assistance, plusieurs visages connus, artisans, commerçants ou jeunes membres guillerets de la comédie musicale All Shook Up et des Productions Euphorie, on ne peut que secouer la tête, incrédules et admiratifs: y a-t-il déjà eu communauté tissée plus serrée que celle-là? Une réunion de famille, on vous disait!