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Par Nathan Murray
Il y a le chapeau. Élégant et excentrique - juste un brin, juste ce qu'il faut. Dessous, les yeux, pétillants. Et le sourire, ravageur. Et puis la robe, évidemment. Rose. Eh oui, rose ! On n'y coupe pas. Et c'est tant mieux : quelle fraîcheur, dans cette touche de couleur, flottant au-dessus des chaussures assorties ! Ce n'est plus un vêtement, ce n'est pas un costume : c'est un emblème, une seconde peau. Celle d'Annie Breton, Wonder Woman charlevoisienne, super-héroïne de la culture et du patrimoine, femme impliquée, femme créative, femme d'équipe, femme distinguée, femme colorée - d'au moins une touche de rose, vous l'aurez deviné...
Mais arrêtons là l'énumération et cessons les éloges : elle en rosirait. C'est qu'elle est humble, en plus, la sympathique directrice du Musée de Charlevoix ! De cette humilité nonchalante propre à ceux et à celles qui croient qu'en tout, il faut faire le mieux et qu'il n'y a là rien que de très normal. Peut-être bien. Avec Annie, il est vrai, c'est toujours le meilleur qu'on obtient, c'est lui qui ressort et qu'elle parvient à faire briller, chez elle et chez les autres... comme d'ailleurs dans ce musée qu'elle dirige et qu'elle couve, presque amoureusement. Cette héroïne qui s'ignore est assez noble pour qu'on en brosse un portrait. Et au diable l'humilité : après tout, la « fan numéro un » des super-héros dans Charlevoix, l'admiratrice incorrigible et enthousiaste des comics de DC et Marvel, c'est bel et bien Annie! Et c'est maintenant à son tour de voir exposer ses secrets et ses super-pouvoirs au grand jour...
Femme impliquée
Un super-héros a toujours besoin d'une personnalité publique. C'est impératif. Superman a le journaliste Clark Kent, Batman le playboy milliardaire Bruce Wayne, Iron Man le playboy, milliardaire et génie Tony Stark (ce qui, dans son cas, revient au même)... Lorsqu'elle ne sauve pas le monde, Annie, elle, est directrice du Musée de Charlevoix. Auparavant, soucieuse d'assurer au mieux sa couverture, elle a mené des études universitaires en histoire et en muséologie, parcourant ainsi, les bras chargés de livres, les pavillons pénitentiaires de l'université Laval - auxquels les couloirs glauques de l'asile d'Arkham, faut-il le préciser, n'ont rien à envier. À cette époque, consciente malgré tout de sa destinée, elle portait déjà la cape noire, comme quoi il n'y a pas de hasard : il en faudra davantage pour nous berner. Toujours est-il qu'il y a onze ans, la jeune femme de Plessisville entrait au Musée comme on entrait autrefois dans les ordres, le plaisir en plus : avec passion, dévouement et une adoration suspecte pour certaines vieilles reliques... Quatre ans plus tard, c'est la consécration : la voici directrice. Voilà pour l'histoire des origines.
Directrice de musée : c'est là une position éminente et enthousiasmante, mais exigeante, dans un domaine où il y a peu d'appelés, mais encore beaucoup moins d'élus (croyez-en un historien). Et il y a là quelque chose d'héroïque : défendre la culture et préserver le patrimoine afin de les offrir, comme en cadeau, aux générations présentes et à venir. C'est déjà, un peu, sauver le monde ; c'est déjà, beaucoup, redonner à la communauté. Cette notion de responsabilité, envers l'héritage dont on a la charge, mais aussi envers ceux qui, justement, en sont les héritiers, on le trouve au coeur du discours d'Annie. « Un musée », nous a confié la dame en rose, « c’est le gardien de la mémoire d’un lieu, de toutes les facettes d’une mémoire collective. Il faut l’utiliser, il faut le visiter, il faut le comprendre et toutes nos expositions s’adressent aux Charlevoisiens d’abord ».
Et les Charlevoisiens, Annie, elle leur parle constamment. C'est qu'elle est de tous les événements, de toutes les occasions, madame la directrice ! Dans toute la ville, elle le défend, son musée, passionnément, sourire aux lèvres, la voix joyeuse, l'esprit alerte. Que de dynamisme, que d'imagination, que de résolution chez notre Wonder Woman ! Sa vocation, elle l'assume pleinement. « J’espère l’être de plus en plus, sollicitée, pour faire partie des comités, des présentations, des projets », confie-t-elle. « Je pense qu’il faut que le Musée soit présent dans tout ce qu’on fait ! » Il faut bien, à la liste de ses dons, ajouter celui d'ubiquité, tant elle est partout, et toujours à propos !
Femme d'équipe
Elle est partout, mais elle n'est pas seule. Derrière Annie Breton - ou plutôt, à ses côtés - se profile toute une équipe, composée de ses fidèles complices du musée. Car c'est avec les autres, et pour eux, qu'Annie Breton travaille sans compter les heures : pas d'héroïne solitaire et tourmentée ici, mais plutôt une femme heureuse parce que bien entourée, solidaire et lumineuse. Pas de Tony sans Pepper Pots, après tout ! Et lorsqu'Annie et ses acolytes s'unissent, rares sont les obstacles qui résistent. Au Musée de Charlevoix, on réfléchit, on expérimente, on cherche toujours à dépasser les frontières, à captiver le public... En équipe. Après tout, plusieurs cerveaux valent mieux qu'un, et les meilleurs projets naissent du choc des idées. La directrice du Musée, lucide, le sait fort bien : « En muséologie il y a tellement de possibilités d’être créatif, de faire les choses autrement et de faire de nouvelles choses. Je dis tout le temps : si ça fonctionne c’est grâce aux autres, si ça ne marche pas c’est de ma faute. C’est comme ça que je vois les choses. Pour moi, le travail d’équipe est essentiel et c’est important de mettre les autres en valeur aussi ». Avec de grands pouvoirs viennent de grandes responsabilités, comme disait l'autre.
Malgré tout, le plaisir demeure. Celui de créer, d'échanger, de transformer, de communiquer. De donner, aussi, d'allumer l'étincelle dans les yeux du visiteur qui comprend, de l'enfant qui découvre. Il est là, l'accomplissement : « La motivation et la fierté que je trouve dans mon travail, c’est vraiment de réaliser, de créer des activités, des expositions qui vont vraiment toucher les gens. Qui vont faire qu’ils s’épanouissent un peu plus au niveau culturel, mais au niveau personnel également ».
Être directrice d'un musée, c'est aussi être en contact avec les artistes, ceux qui créent, ceux qui nourrissent. Et poser un regard, extérieur mais informé, sur leur travail. Le Musée, selon Annie Breton, ce n'est pas seulement une vitrine vers le passé : c'est un acteur incontournable du milieu, une force critique, agissante. Cet art populaire que le Musée préserve, défend, explique et expose, par exemple, Annie Breton tente de le comprendre, de l'expliquer, de le cerner. « Je pense que l’art populaire doit être de son époque. J’en parlais avec des artistes et des sculpteurs un moment donné et je leur disais "Vous n’avez pas à représenter les traditions, les légendes ou le bon vieux temps. Représentez le “maintenant”, qui va être du patrimoine dans 50 ans !" ». C'est qu'elle est visionnaire, en plus, notre super-héroïne !
La preuve : le Musée de Charlevoix est le premier musée en Amérique du Nord - excusez de peu ! - à avoir signé la charte Môm'Art des musées Joyeux, « une association française de musées qui vise à rendre les musées de plus en plus accueillants envers les enfants et les familles », pour reprendre les mots de la directrice, pas peu fière de son coup.
Femme créative
Une mission, une équipe : cela est entendu. Manque l'habit qui, en l'occurrence, fait le moine, ou plutôt la Wonder Woman. Car Annie, qui le nierait farouchement, est un peu artiste elle-même. Elle crée et elle invente. En fait, elle dessine, elle imagine et elle coud : ce ne sont pas des armures qu'elle façonne dans son atelier souterrain hyper-sophistiqué, mais bien des robes qu'elle confectionne, dans la chaleur de son foyer. Lorsqu'elle parle de sa passion plus si secrète, Annie Breton le fait avec un mélange d'excitation de fillette, d'enthousiasme juvénile et de tendresse toute maternelle.
« J’ai deux grosses malles de tissu, j’ai un placard plein de costumes et de vêtements et une table de cuisine ensevelie de machines à coudre, de morceaux de patrons, de cahiers à dessin... Ma passion pour le design de mode et la confection remonte à vraiment loin… Je devais avoir six ans à peu près et je dessinais des vêtements... Ce qui m’a marqué le plus dans cette histoire-là c’est quand j’ai vu les films de Sissi pour la première fois à la télévision : j’avais regardé la série avec ma mère et j’avais trouvé ça tellement BEAU ! Visuellement, c’était tellement magnifique… Et les grandes robes à crinoline, ah !!! Je m’intéressais déjà aux vêtements, mais à partir de là, j’ai commencé à m’intéresser à l’histoire. »
C'est cela, son élan premier, sa morsure d'araignée (oui, oui, comme dans Spider Man, version Sam Raimi). Depuis Sissi, le temps a passé ; la passion, elle, est restée. Désormais, à chaque vernissage et à certains grands événements, Annie porte une de ses créations, élaborée spécialement pour l'occasion - une oeuvre bonus, en somme, attendue de plus en plus impatiemment. Elle a le sens du spectacle et de l'apparition punchée, Annie !
Femme élégante
Annie, vous l'aurez compris, possède bien des qualités. Côté identité secrète, toutefois, ce n'est pas la plus habile. On l'a déjà dit, on y revient : Annie, on la remarque. Elle ne passe pas inaperçue. Pas de faux-semblant ni de masque, ici. Comme son alter ego bédéesque, elle s'assume pleinement. Mais à l'exotisme de l'amazone, Annie substitue l'élégance de l'amatrice de mode. Elle est de celles qui affichent leur féminité sans complexe et la portent comme un étendard, le plus naturellement du monde. Celle qu'on a devant nous, c'est toujours la femme, pleine et entière, fière de l'être et fière d'être elle-même. « Pour moi c’est important d’être colorée, de s’amuser dans la vie, il faut oser et je trouve que les gens n’osent pas assez » explique-t-elle. « Ça fait partie de moi, c’est vraiment une question d’oser et de m’assumer. Tant mieux si les gens trouvent ça élégant ! » Il y a dans tout cela une formidable et indomptable authenticité, teintée d'un engagement social calme, évident, réfléchi.
Féministe, Annie Breton, dont le Musée présente pour l'année à venir une exposition sous le titre L'empreinte des femmes ? Oh que oui ! Elle le déclare avec simplicité, sans détour, en historienne consciente de la valeur des mots. Interrogée sur sa définition du féminisme, elle nous répond avec une pointe de malice dans le regard et une nuance mi-amusée, mi-exaspérée dans la voix : « C’est tellement simple ma définition du féminisme : les hommes et les femmes sont égaux… C’est juste tellement nécessaire et essentiel et naturel pour moi de dire ben oui… Les hommes et les femmes sont égaux et ils devraient avoir accès aux mêmes possibilités ». Ben oui ? Ben oui. D'ailleurs, hein, à quand un film pour Scarlett Johansson et sa Veuve noire, Marvel ? Parce qu'on est en 2017, tout de même...
Femme colorée
Articulée et réfléchie, Annie Breton ? Bien entendu. Mais éclatée, aussi, formidablement colorée. Elle est de ces personnes auxquelles on s'attache et qui ne cessent de nous surprendre. Derrière la directrice de musée et la femme de tête se cache - enfin, se cache, il faut s'entendre : comme Tony Stark cache Iron Man, c'est-à-dire pas du tout, ou alors bien involontairement - la femme aux mille passions. Voici la pimpante jeune femme, capable des transports les plus grands, et la princesse rêveuse, qui s'extasient devant les splendeurs et les robes - ah, les robes ! de Downtown Abbey ; voilà la geek incollable, véritable encyclopédie à crinoline capable de discuter pendant des heures des plus obscures histoires de super-héros ou de la dernière série à la mode (ou pas) ; voici encore la Charlevoisienne gourmande rêvant d'une bonne et grasse poutine ou d'une crème glacée décadente...
Ce qu'il y a de bien, avec Annie, c'est qu'elle est formidablement curieuse, qu'elle recherche, qu'elle dévore et qu'elle emmagasine, avec un enthousiasme débordant et rarement démenti. « Je m’intéresse à tout, », confie-t-elle, « ce qui fait que je développe des connaissances sur plein de sujets. Des fois les gens me demandent "comment ça se fait que tu connais ça ?" Ben, je sais pas, j’ai jasé avec quelqu'un qui me l'a appris, j’ai lu un livre, j’ai vu une série, je sais pas… Donc oui, j’ai des intérêts assez variés ! ».
En guise d'épilogue
Quand aux derniers mots, laissons-les eux aussi à Annie, dont la verve extraordinaire et le charisme indéniable - allons-y franchement ! - n'ont rien à envier à ceux de Tony Stark : « Il faut oser ! On est dans une région artistique en plus, alors laissons-nous aller ! ». Paroles de sagesse, Annie. Ne nous reste plus, à nous pauvres mortels, qu'à révéler nos supers-héros intérieurs, et à oser les assumer. Ce n'est pas comme si le marché en était saturé, hein : ils sont si rares, au grand et au petit écran...
***Toutes les robes portées par Annie sont ses créations. Pour les bijoux, il s'agit d'un collier "Orfélia" (Léa Proux, Baie-St-Paul) sur les photos au centre-ville de La Malbaie; de boucles d'oreilles "Mauve Les Filles" (Marie-Josée Lavoie, La Malbaie) pour les photos de la voie ferrée à Pointe-au-Pic et d'un collier de la collection "Orchidée" de la joaillière Bénédite Séguin (Joaillerie L'Amulette/Boutique Indigène Art et Culture, Pointe-au-Pic) sur les photos de la jetée de Pointe-au-Pic. La bague d'Annie qu'on aperçoit sur certaines photos est aussi une création de Bénédite. Notre personnalité met en valeur le talent des artistes de Charlevoix et il était important pour elle qu'on le mentionne. Voilà qui est fait !





































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