Ouverture du Festival international du Domaine Forget: pour l'amour de la musique
Entrevue
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Article et entrevues: Nathan Murray Captation vidéo des entrevues: Sophie Humphreys Captation vidéo du concert et photos: Patrice Gagnon
Chaque année, on attend ce moment avec impatience. À partir d’avril, on compte les jours. À la consultation de la programmation, lancée avec le printemps, on chamboule ses plans, on bouleverse ses vacances, on rappelle les hôtels et la famille : c’est bien beau, New York, c’est très agréable, le chalet, mais la ville et le lac seront toujours là dans une semaine ou dans un mois. Ce moment, par contre, ce moment-là, il ne reviendra pas. Cette rencontre est unique : jamais cette communion entre une salle, un orchestre, un soliste et un public ne se répétera. Chaque fois, c’est magique. Jamais on ne regrette son choix.
Cette année ne fait pas exception. Car quel concert ce fut ! Quelles merveilleuses heures de musique ! Emmanuel Pahud, soliste renommé, première flûte à l’Orchestre philharmonique de Berlin, a ouvert les festivités avec le talent qu’on lui connaît, vif, aérien, virtuose. Fougueux, dansant, le fidèle ami du Domaine a interprété le concerto pour flûte de Jacques Ibert avec une force et une sensibilité rares. À la fin du troisième mouvement, le public s’est levé d’un bloc et a éclaté en applaudissements. Un moment de grâce.
Le spectacle ne faisait pourtant que commencer : après la flûte, le piano ; après Emmanuel Pahud, Louis Lortie, interprète fascinant, reconnu aux quatre coins du monde. Le musicien canadien s’est attaqué à la redoutable partition du concerto pour piano no 1 de Tchaikovsksy, réputé injouable. Spectaculaire, le soliste a subjugué la salle avec sa prestation d’une rare intensité, soutenu avec maestria par Yannick Nézet-Séguin et l’Orchestre métropolitain. Un immense moment de musique, vivement acclamé.
Et puis, au retour de la pause, devant un public aussi avide, aussi passionné, aussi attentif que deux heures plus tôt, le grand chef et son orchestre se sont attaqué à un autre morceau de bravoure issu du répertoire de Tchaikovsy : la symphonie no 4, tantôt solennelle, tantôt tempétueuse, tantôt tendre et mélancolique. La puissance et l’énergie de la formation montréalaise, dominée par un Yannick Nézet-Séguin volontaire, ont fait merveille dans les passages les plus majestueux, somptueux presque, alors que le deuxième mouvement, tout de douceur, de subtilité et de nostalgie mêlées, faisait l’effet d’une onde enveloppante et chaleureuse. Un pur bonheur, encore une fois.
Le concert était dédié à la mémoire de Jacqueline Desmarais, grande mécène sans laquelle la prestigieuse institution musicale charlevoisienne n’aurait sans doute jamais connu le rayonnement international qui fait aujourd’hui sa renommée. Les habitués du Domaine s’en souviennent : rares sont ceux qui n’ont pas eu l’occasion, au cours des quarante dernières années, de croiser la grande amie des arts ou de l’apercevoir, éclatante de couleurs, enjouée et attentive, assise dans sa loge à l’un ou l’autre des concerts auxquels elle assistait régulièrement. Nombreux sont les musiciens qu’elle a découverts, soutenus ou révélés, grâce à un goût et une passion jamais démentis. Yannick Nézet-Séguin est de ceux-là. Stéphane Tétreault, un autre habitué du Domaine Forget, aussi : c’est grâce à Jacqueline Desmarais que le prodige peut jouer sur un stradivarius, instrument d’une valeur inestimable et d’une sonorité incomparable. Le jeune violoncelliste s’est d’ailleurs produit au tout début du concert. Doucement, tendrement, presque amoureusement, penché sur un instrument qu’il semblait enlacer, il a interprété le Bois silencieux d’Antonin Dvorak avec l’orchestre. Le public est resté silencieux, recueilli, comme sonné, avant d’éclater en applaudissements et en vivats. L’hommage commençait bien.
Go-Xplore a pu assister à ce moment d’une rare beauté et vous propose de découvrir le legs de Madame Jacqueline Desmarais à travers différents témoignages. Ginette Gauthier, directrice générale du Domaine Forget, et Paul Fortin, directeur artistique, nous en parlent plus en détails et nous en disent plus sur le concert-hommage et la nouvelle saison du Festival international.
Nous avons aussi eu le plaisir de nous entretenir avec le flûtiste Emmanuel Pahud, dont la performance a ravi les mélomanes rassemblés à la salle de concert le 23 juin dernier. Le musicien, toujours très généreux, nous a parlé de son rôle d’enseignant à l’Académie, de ses collaborations avec les ensembles québécois et du rôle du mécénat en musique. En prime, nous vous offrons quelques extraits de sa superbe performance !