Patrice Michaud
Arts et culture
- Entrevue
Un texte de Camille Dufour Truchon; entrevue et montage: Elise Tremblay; caméra: Shana Warren
La barre en mains, Patrice Michaud est aux commandes de son navire et il a le vent dans le dos. Capitaine tranquille, il est en paix, il assume ses décisions, ses propres succès et ses erreurs. Voilà, ainsi on évite les regrets, on sait se défendre. Patrice nous le dit franchement d’entrée de jeu : il est heureux et à sa place!
Il parle avec la maturité du marin qui garde l’équilibre. L’équilibre entre le port et l’aventure : la famille et la scène. La musique, c’est un vrai plaisir, un besoin de créer, de partager, de s’amuser sur scène. La musique le garde jeune comme jamais. C’est un bonheur de pouvoir en vivre bien, un bonheur qu’il espère connaître longtemps. La musique, c’est une traversée, un voyage lent, avec escales. Son succès, il l’a bâti d’étape en étape. De matelot à capitaine, il a travaillé, a fait ses preuves : voilà d’où prend racine ce sentiment profond d’être au bon endroit et de jouer le bon rôle.
Voilà d’où lui vient la force tranquille de prendre des risques volontaires avec courage et détermination. C’est qu’il aime quand même s’amuser dans les vagues, chercher la tempête, notre capitaine! Il ne choisit pas toujours la voie facile, il aime se mouiller pour mieux grandir et évoluer. Parfois le vent est dans notre dos et nous porte, parfois cela fait du bien de se le mettre en pleine face pour découvrir comment nous pourrons continuer d’avancer. De l’audace de naviguer (Le triangle des Bermudes, son premier opus), au courage de regarder en face (Le feu de chaque jour, son deuxième disque), jusqu’à la sagesse de lire les étoiles pour en rédiger son « almanach » (du titre de son plus récent album), capitaine Michaud ne navigue pas en eaux mortes. Il choisit de se dérouter, volontairement : changer de réalisateurs, changer de son… Il s’exprime par de nouvelles textures musicales, de nouvelles influences, de nouveaux « groove ».
Hé oui! Notre Gaspésien « groove » lorsqu’il pilote! Et se raconte aussi… En période d’écriture, il devient un homme plus ouvert, réceptif, sensible. Il vit tout avec intensité : rit plus fort, pleure plus fort! Mais la sagesse de l’homme qui a navigué plus d’une mer, accosté plus d’un quai, lui permet de dégager la beauté des thèmes les plus sombres et d’en faire un disque lumineux. Son « Almanach » constitue un genre d’héritage où, déjà, il ouvre la voie aux générations à venir. Il leur donne même une voix, empreinte de naïveté et d’espérance, sur un texte aux enjeux d’une société plus grande qu’eux. La voix de son fils, qui répète simplement après papa, au sous-sol, les mots de son capitaine de père, qui lui sait que, parfois, le monde est dur et injuste. Mais si beau pourtant quand les astres brillent sur la mer!
Une beauté et un bonheur qui le traversent lorsque, sur scène, entouré de sa belle « gang » de musiciens, son équipage, il se sent fou et libre comme un jeune premier : « On est 5, on a 14 ans, on a du plaisir! » En bon commandant, il connait l’importance de bien s’entourer. Parmi son équipe de talent, un « marsouin » bien de chez nous : Simon Pedneault, un guitariste insulaire. De l’Isle-aux-Coudres, il joue aujourd’hui sur les scènes de chaque port auprès de plusieurs grands noms québécois. Ses seconds, Patrice les sélectionne avec instinct et justesse. La musique au Québec, c’est un petit milieu, on s’y croise et s’y entrecroise encore. Bâtir les horaires de tournée, parfois, c’est compliqué. Entre têtes d’affiches, on s’y « prête » et « donne » les musiciens pour pouvoir garder les « familles de scène » unies… Familles incestueuses presque, osera dire Michaud! Homme d’équipe et homme d’humour, il a le mot pour faire rire autant que la verve pour écrire…
Il en a des talents et des forces dans son bagage. Jeune capitaine qui souhaite en vivre encore longtemps : c’est son métier et c’est sa vie. Nous lui souhaitons que les empreintes de ses doigts viennent à marquer le bois de chêne de sa roue, tant il aura navigué les sept mers!